Citoyenneté québécoise
Gaston Brosseau
citoyen
Envoyé le lundi 08.05.2006 07:22
Discours prononcé par monsieur Henri Laberge lors de la commémoration du 246e anniversaire de la Victoire française de Sainte-Foy en 1760, au Parc de la Visitation dans l’Arrondissement numéro 3 de la ville de Québec, le 30 avril 2006.
Chers amis,
Je suis très heureux de me joindre aujourd’hui à l’hommage rendu aux héros de l’histoire de la Nouvelle-France, qui fait partie de l’histoire nationale du Québec, et tout spécialement aux braves qui ont remporté en avril 1760 l’éclatante victoire de Sainte-Foy.
Rendons hommage aux soldats réguliers de l’armée française en Amérique, dont certains ont choisi de rester au Québec après la capitulation de Montréal et qui comptent donc parmi les ancêtres valeureux du peuple québécois d’aujourd’hui.
Hommage aux miliciens canadiens (qu’on devrait appeler miliciens québécois) qui, eux, avaient déjà de fortes racines québécoises, qui, entre deux engagements militaires allaient cultiver leur terre, construire leur maison, faire des enfants, habiter et humaniser le territoire québécois, ceux qui ont survécu aux batailles de 1759 et de 1760 sont restés au pays et comptent aussi parmi les valeureux ancêtres de notre peuple.
Hommage aux Acadiens, chassés de leurs terres par les conquérants anglais et venus prêter main forte pour la défense de la Nouvelle-France et qui, après la guerre, se sont établis en grand nombre au Québec.
Le Québec est. sans doute, le territoire au monde qui compte le plus grand nombre de descendants d’Acadiens, venus à diverses époques. Nous sommes fiers de compter comme nos concitoyens un si grand nombre d’Acadiens devenus Québécois.
Hommage à nos amis amérindiens qui ont combattu à nos côtés durant la Guerre de Sept-ans, qui ont été des alliés très précieux. Après le Traité de Paris de 1763, ils ont gardé la nostalgie de leur alliance avec la France. Le chef Pontiac, qui a mené une révolte contre le conquérant britannique n’a-t-il pas sollicité l’aide du roi de France et invité celui-ci à reprendre le pays perdu.
Hommage aussi aux simples soldats de l’armée britannique, spécialement des Écossais qui, souvent conscrits de force, n’avaient pas forcément des positions haineuses à notre égard. L’Écosse avait été pendant des siècles une alliée de la France et il y avait donc une sympathie naturelle entre les Écossais et les Québécois francophones. Plusieurs soldats écossais, une fois libérés du service militaire qu’on leur avait imposé, ont choisi de s’établir chez nous, de se marier avec des filles du pays et de contribuer au développement du Québec. Ils ont donné naissance à des familles québécoises francophones comme celles des Burns et des Blackburn.
Nous ne rendrons certes pas hommage à ceux des militaires britanniques qui ont participé au saccage des terres dans le Bas-Saint-Laurent, dans Chaudière-Appalaches et sur la côte de Beaupré, surtout pas à leurs officiers qui ont ordonné les gestes incendiaires et les meurtres qu’on y a commis au nom de la Majesté britannique. Aucun hommage n’est dû au sinistre Monckton qui, ayant été le bourreau des Acadiens, s’est signalé chez-nous aussi par sa cruauté.
Nous dénoncerons, au contraire, le fait qu’une ville à forte présence acadienne, au Nouveau-Brunswick et une rue de notre Capitale nationale portent toujours le nom de ce triste sire.
Les héros de 1760, ce sont nos héros, des héros de notre histoire nationale. Nous ne voulons pas qu’ils soient oubliés et que leur apport à notre histoire nationale québécoise soit tenu pour nul et non avenu. Bien sût, la bataille de Sainte-Foy n’a pas sauvé la Nouvelle-France à l’époque. Mais elle est importante parce qu’elle est devenue le symbole de notre résistance contre toutes les tentatives ultérieures de faire disparaître le caractère français du Québec.
Rappelons-nous la Proclamation royale de 1763 qui visait à la disparition de notre caractère distinctif. Elle visait moins l’assimilation des individus francophones que l’assimilation du Québec à une colonie anglaise comme les autres. Le droit civil français était aboli. Le Serment du test, en vigueur en Angleterre, nous était imposé sans égard au fait que notre population était en très forte majorité catholique. On envisageait la formation d’une Assemblée législative mais où seuls les protestants auraient pû être élus.
L’insurection américaine aidant, mais surtout parce que les Québécois d’alors se dont mobilisés, la Loi sur le Québec de 1774 (improprement appelée Acte de Québec par la plupart des historiens) est venu reconnaître le droit du Québec à sa spécificité. Ne nous y trompons pas, la Loi sur le Québec de 1774 n’avait pas pour objet de reconnaître la spécificité des francophones, mais bien de reconnaître le caractère distinct de la société québécoise prise comme un tout.
Le droit civil français n’a pas été rétabli pour les seuls francophones, il a été rétabli comme la loi commune en matière civile de toutes les personnes établies au Québec, quelles que soient leur origine ou leur langue maternelle. Le Québec a été reconnu, en 1774, comme une société distincte du reste de l’Empire britannique.
C’est en liens avec les événements ultérieurs de notre histoire nationale québécoise qu’une célébration comme celle d’aujourd’hui prend toute son importance. Nous manifestons ensemble notre attachement à notre histoire nationale distincte. Ce que nous faisons aujourd’hui, c’est notre façon d’exprimer notre vigoureuse opposition à toutes les tentatives répétées de déformer notre histoire nationale, de nous imposer une histoire édulcorée, épurée, aseptisée, angélisée, vidée de sa substance nationale, ignorante des conflits et des volontés politiques qui ont ponctué les grands événement de notre passé.
Nous ne voulons pas nous faire voler notre histoire nationale, la laisser annexée à celle de la nation canadienne fédérale ou encore la laisser réduire à l’histoire d’un simple groupe ethnique fut-il majoritaire au Québec.
L’histoire nationale du Québec est distincte de l’histoire nationale du reste du Canada et elle est bien autre chose que l’histoire des Canadiens-français.
Il faudrait arrêter, par exemple, de présenter Jacques Cartier comme le découvreur du Canada. Ce que Jacques Cartier a découvert, ce n’est pas le Canada; c’est bel et bien le Québec, compris entre la Gaspésie et l’archipel d’Hochelaga.
Jusqu’à 1867, nos historiens avaient raison de revendiquer pour Jacques Cartier le titre de découvreur du Canada, puisque le Québec s’appelait alors Bas-Canada ou le Canada-est et puisque les provinces de l’Atlantique n’avaient pas encore fait partie de quelque entité s’appelant Canada. Tout est changé depuis 1867 : désormais, le Canada inclut les provinces maritimes, découvertes par Cabot en 1497 et désormais, le Québec s’appelle le Québec. Il s’en suit que le découvreur du Québec doit s’appeler découvreur du Québec. Soyons fiers de rapatrier Jacques Cartier dans notre histoire nationale.
L’histoire de la Nouvelle-France dont nous célébrons aujourd’hui un fait glorieux, ce n’est pas un simple préambule à l’histoire du Canada, c’est le premier chapitre de l’histoire nationale du Québec et de son peuple.
Cette histoire, incluant toutes les luttes menées chez-nous pour préserver le caractère français de notre pays, c’est l’héritage collectif de toutes les Québécoises et de tous les Québécois d’aujourd’hui, quelles que soient leurs langues maternelles ou leurs croyances religieuses. L’histoire nationale du Québec appartient à tous ceux et celles qui se disent aujourd’hui Québécois, qu’ils soient de souche plus ancienne ou de bourgeons plus récents.
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